Pourquoi nous ne proposons pas de compensation Carbone ?
Voilà maintenant quelques mois que nous nous sommes lancés dans cette folle aventure avec le rêve de permettre au plus grand nombre de devenir acteur du changement climatique. Comment faisons-nous cela ? D'abord, nous proposons aux particuliers de mesurer leur impact environnemental de manière dynamique et automatique. Ensuite, nous proposons un parcours personnalisé et gamifié avec des solutions pour repenser nos gestes du quotidiens.
Et depuis le lancement, voici une question que nous avons reçu plusieurs fois (d'utilisateurs ou non utilisateurs de l'application) :
Pourquoi ne proposez-vous pas de compensation carbone ?
Et c'est vrai que c'est une excellente question.... Cela pourrait même être une piste de business model pour Dunia. A vrai dire, la plupart des applications comme Dunia le propose. Alors, pourquoi pas nous ?
Planter des arbres, restaurer les coraux, acheter 1 tonne de Co2 sont-ils des solutions écologiques pour lutter contre le réchauffement ? Selon nous, Pas forcément…
Les limites physiques de la compensation carbone
Pour atténuer le réchauffement climatique (et ses conséquences), nous devons à tout prix diminuer le taux de Co2 que nous émettons dans l’atmosphère. Il s’avère que le dioxyde de carbone (Co2) est en fait une matière première pour une grande partie des êtres vivants de notre monde : l'Homme est en partie constitué de carbone…et mieux, les arbres sont d'autres êtres qui stockent du carbone dans des quantités encore plus importantes.
La solution parait donc simple et presque donnée : il suffit de planter des arbres en grande quantité…. N’est-ce pas? Malheureusement, cela ne marche pas comme ça.
D’abord, les termes techniques désignant le carbone stocké dans les arbres sont souvent mal appropriés : dire “absorber du carbone”, “séquestrer du carbone” ou encore “capter du carbone” est d'une certaine manière incorrect. En effet, si les arbres et les océans jouent un rôle primordial pour préserver la biodiversité, leur capacité réelle d’absorption sur une échelle de temps long est très limitée. Un arbre n’absorbe pas de Co2, il en stocke temporairement. Le jour où celui-ci meurt, il relâche son Co2.
Or, l’espace terrestre est limité…alors penser que nous pourrons résoudre tous nos problèmes d'émissions en plantant des arbres est une fausse bonne idée.
De plus, en analysant la situation avec une approche systémique (c’est à dire en prenant la complexité dans son ensemble), on se rend compte que de nombreuses entreprises et personnes compensent leur impact mais que cela n’a pas eu d’impact sur le Co2 présent dans l'atmosphère. Le taux de Co2 n’a d'ailleurs jamais autant augmenté que ces dernières années. Et puis si nous plantons à gauche pour détruire à droite, cela ne sert à rien. Et comme le nombre d’arbres sur Terre décline tous les ans (5 milliards d’arbres plantés pour 15 milliards détruits chaque année)… nous sommes loin du compte.
Pour aller plus loin, voici 2 lectures intéressantes sur les océans et sur les arbres.
Parmi les autres offres de compensation, nous retrouvons des investissements dans des projets d’énergie renouvelable. Si leur développement est une nécessité absolue, un panneau solaire (comme tout objet produit sur terre) nécessite aussi de la matière et a donc un impact écologique… Le développement des énergies renouvelables pourrait diminuer l’impact environnement si la demande d’énergie restait stable et que la production d’énergie fossile venait à diminuer. Or, aujourd’hui, la demande d’énergie ne cesse de croître et le développement des énergies renouvelables n’ont pas permis de ralentir la consommation d’énergie fossile au niveau mondiale. Alors, est-ce qu’investir dans des panneaux solaires ou dans des parcs éoliens est utile ? Certainement ! Mais peut-on vraiment parler de compensation ? Pas vraiment. Comme le dirait Jean Marc Jancovici dans ces présentations : "Construire une éolienne ne permet pas de faire baisser le Co2 dans l'air"
Enfin, pour terminer. Il existe des projets qui visent à extraire le Co2 de l’air ! Magique non ? S’il n’y a pas trop de doutes qu’un jour ou l’autre, ces technologies prospèreront, cela soulève tout de même quelques questions : Combien de matières et d’énergie supplémentaires ces nouvelles machines nécessiteront ? Quelle sera la capacité d’absorption de ces technologies ? Chez Dunia, nous croyons à la force du “ET” et donc à l’intérêt d’explorer et de développer ces projets… mais nous croyons encore plus que ces projets seront insuffisants seuls à changer le réchauffement climatique qui a commencé...et encore moins notre impact sur la biodiversité.
Les conséquences inverses et inattendues de la compensation
Si la compensation carbone provient souvent d’une bonne intention…les conséquences sont parfois néfastes dans leur globalité. Parfois, compenser est une super excuse pour ne pas changer. C’est ce que nous appelons l’effet de rebond.
L’effet de rebond est un effet psychologique pervers qui fait que le résultat d’une action devient l’inverse de l’objectif initial. Explication trop compliquée ? Prenons un exemple : Quelqu’un souhaite faire un régime alimentaire pour perdre du poids. Si elle mange une salade, alors elle a plus de chance de se laisser le droit de prendre un dessert. En analysant les calories, on se rend compte que le tout est en fait plus calorique que de prendre un autre plat. Dans ce cas précis, le résultat obtenu est le contraire de l’objectif initialement fixé.
Dans l’écologie, la compensation carbone est un effet de rebond car cela permet de se dédouaner des impacts environnementaux générés….voir même des les rendre socialement acceptable. Rien ne m’empêche de prendre l’avion puisque je compense non ?
Alors que toutes les études des scientifiques sont unanimes sur le fait que nous devons réduire notre impact, la compensation carbone nous donne une excuse supplémentaire pour ne rien changer à notre consommation....Et si on changeait de disque ?
Passer de la compensation à la contribution carbone
Une nouvelle vague est en train de naître (merci Carbone4) qui vise à passer d’une logique purement individualiste (une entreprise qui atteint la neutralité carbone) à une logique collective (la neutralité carbone peut s'atteindre collectivement ou ne s’atteindra pas).
La logique de compensation n’a alors plus de sens…! Ce qui compte, c’est de réussir collectivement à atteindre l’objectif fixé : on parle alors de contribution carbone.
Alors, si des entreprises sont prêtes à passer de la compensation carbone à la contribution (ce qui s’apparente plus à faire un don pour préserver notre patrimoine commun), sachez-le, il existe de nombreuses manières de le faire : préserver une forêt existante, diminuer les inégalités, favoriser l'éducation et la contraception, etc... Vous pourriez aussi décider de récompenser les particuliers qui décident de réduire leur impact ?